Petit texte de 2013, pour un atelier d’écriture.
Basé sur la photo de Robert Doisneau – Les amoureux aux poireaux, 1950.
Exploration de concepts délicats, texte au troisième degré… je n’aime plus trop ce texte aujourd’hui.
Heureux regrets masculinistes
Elle est si belle. Je me penche, je l’embrasse et elle rougit de plaisir. Elle m’énerve. Quand mon nez frôle sa peau, son parfum me conquiert.
Toute une matinée à chipoter et à me chercher des crosses, et voilà qu’elle me sourit. Voilà que j’ai envie de lui pardonner.
Pourquoi continue-je à l’embrasser ? Cycle de plaisir. Le contact de mes lèvres sur sa peau, drogue, décharge de plaisir qui m’arrache au monde un instant. Penché sur son cou, ses caprices hors de vue. Je l´attire contre moi, serre sa taille pour sentir davantage de ses hanches contre moi. Je m´écrase contre elle, je m’écrase pour elle. Elle peut rire en effet, puisqu’elle me manipule comme un enfant.
Pourquoi est-ce que je suis là, à porter ce caget de poireaux ? Ce n’est pas moi, je ne suis pas cet homme domestique. Je suis costume et cravate ! Je suis spécial, seulement personne ne m’a encore reconnu.
Pour accomplir de grandes choses je dois m’enfuir, courir vite. Ma flamme consummera tout, je dois l’aviver de courage et d’audace !
Les fleurs embaument l’air frais. Leur couleur or rappelle celle de ses cheveux. Comment lutter contre la chaude douceur de sa main dans la mienne ? N’aurais-je que ce bref instant de lucidité pour échapper à son joug ? Ou est-ce déjà trop tard ? Ses lèvres sont vallonnées ; irrésistibles. Je cède, encore. Le cliquetis d’un appareil photo sonne dans tout l’espace, je suis pris en flagrant délit d’affection.
Advienne que pourras. Je ne ferais peut-être rien de ma vie, mais au moins je serais heureux. Je parviendrais sans doute à oublier. J’espère simplement ne jamais voir cette photo, capture de ma faiblesse, du moment où j’ai renoncé à mon destin de puissance.