Souvenir : déception enfantine (250 mots)

(Prise de notes ce 20 avril 2021, pour introspection principalement.)

Quand j’étais en primaire, vers 8 ou 9 ans, nous avions des cours de musique. Avais-je avant cela une relation particulière avec la musicalité ? J’aimais la comédie musicale Emilie Jolie, celle du Roi Singe ; j’en chantais les paroles. Mais à choisir, je m’intéressais davantage à l’astronomie. J’avais sur mon bureau un grand sous-main imagé du système solaire, qui disait que le coeur du soleil était à 15 millions de degrés Celsius.

Un intervenant vint un jour à l’école avec une guitare. Je n’ai pas retenu de détails, juste qu’il avait joué, les doigts courant sur les cordes, les élèves assis en tailleur autour de lui, avec le soleil qui inondait la petite salle joyeuse. Nous avons travaillé une chanson dont je ne me souviens pas, à propos d’une vahiné qui faisait tourner sa robe de fleurs.

De retour chez moi, à partir de la feuille des paroles, je me suis amusé à réécrire la chanson. Au lieu d’une jeune fille, c’était une petite planète qui tournait, sa robe s’était muée en anneaux, sa danse était autour du soleil. Je me suis appliqué à respecter les rimes.

Très fier, j’ai montré ma chanson à la maitresse. Elle a eu un mot positif. Quelque chose comme “ah, c’est bien”. Elle devait être occupée , elle ne s’est pas attardée. J’ai été déçu. Pour les deux décennies suivantes, je me suis considéré incapable en musique, étranger aux choses du rythme et de la prosodie, nerveux à l’idée de devoir découper en syllabes, fuyant face à une partition. Pour diverses raisons,s ans doute bien d’autres que celle-ci. Mais de cette déception-ci, je me souviens en tout cas vingt ans après.

Fabien NICOLAS, 20 avril 2021

Un message à travers les âges, (800 mots) micromatch 23 mai 2020

Match avec les amis des IMA, trois contraintes :
Mot : Conquérir
Genre : Bangsian fantasy
Emotion : Anticipation

500 mots, 1h

(Bangsian fantasy : fantasy of the afterlife in which the ghosts of various famous men and women come together and have various, usually genial, adventures” On a découvert pour l’occaz…)

(Auteurs ayant participés : Fabien, Agathe, Hélène, Audrey, Amou)

Un message à travers les âges, par Fabien

– Qu’est-ce que conquérir ? Que pouvons-nous posséder, que pouvons entre nos doigts tenir et de nos caresses chérir, avant que bien vite la chair ne se fripe, que les tendons ne se disloquent, que les os ne s’arthrosent, avant que demain la pourriture ne réclame sa livre de chair ?

L’encore-vivant est pétrifié par mon apparition. En face de moi il a regard livide et n’a pas encore osé reprendre son souffle. Je tournoie sur moi-même en riant, traversant au passage quelques objets de la pièce et le poteau de la tente.

– Je te le dis, ô vivant, toi qui veux posséder le monde, entends mon avertissement à travers les éons ! Moi dont les chairs sont rongées par les vers et dont les yeux ne sont plus que des orbites noires, autrefois j’étais un conquérant couvert de l’or rutilant et des étoffes mirifiques arrachées aux vaincus.

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Gouv’Audace

Atelier collaboratif d’écriture du 23 juin 2018, avec les idées de mes deux compagnons de tables, Myriam et Aurore. Écrit en 1 heure tout compris, non-retravaillé depuis…

23 juin 2050, je me réveille et j’apprends que les citoyens ont pris le pouvoir. J’ai mis un peu de temps à comprendre. Ma nièce de six ans déboule en criant dans la chambre : “on a gagné on a gagné !”. Encore ensommeillé, je ne pense pourtant pas qu’il y avait match hier soir. Elle repart aussi vite qu’elle était venue.

D’un signe de la main, j’allume mon écran mural et l’interface en relief apparaît. J’ai reçu 2733 messages durant la nuit. L’un est mis en avant, il provient de la Ville de Paris et est intitulé “Notice d’expulsion rooftop présidentiel.” Mon sang ne fait qu’un tour. Sautant de mon lit, je découvre qu’une foule festive est amassée au pied de mon Arc de triomphe, juste en dessous de moi.

— Assistant, appelle M. Henri immédiatement !

Le visage de mon conseiller apparaît sur le mur, l’air aussi inquiet que moi.

— Henri, qu’est-ce que tout ce tumulte ?

— M. le président, les Uptoyens fêtent l’inauguration de l’application Gouv’Audace.

— Hein ? C’est le truc voté à l’assemblée le mois dernier ? Pourquoi ça ressort maintenant ?

Il lève les yeux au ciel.

— Il y avait un mois de préparation, pour que les Up’toyens s’emparent de leurs sujets, et hier soir était le premier vote massif.

— Bon, peu importe ces gadgets technologiques. J’ai reçu un message d’expulsion, qu’est-ce que c’est que cette histoire.

— C’était justement un des sujets du vote d’hier. La majorité a décidé que votre rooftop au sommet de l’Arc de triomphe redeviendrait public, un point de vue sur les jardins de la place…

— Quoi ? Pour qui ils se prennent ? Ils n’ont pas le droit ! C’est quoi ce délire de fake news ? Je croyais qu’au moins depuis l’effondrement de Google on en avait fini avec ces balivernes !

Tout en parlant, j’ouvre mon placard, qui a sélectionné d’avance un costume pour la journée, un tissu irisé dont les bras-écrans me permettent d’emporter ma visio-conférence dans le salon.

Ma femme est sur le canapé, à contempler le lever de soleil, un verre de champagne à la main. Oubliant Henri affiché sur ma manche, je comprends à son sourire qu’elle en sait déjà plus que moi.

— Bonjour mon chéri. J’ai préparé mes affaires pour le déménagement.

— Je ne vais pas me laisser faire ! Je suis le président de la 5e République…

— Je savais bien que tu n’avais rien compris à cette loi… tu n’as plus aucun pouvoir mon chéri. On est passé à une société participative. Les citoyens sont tirés au sort pour voter sur les enjeux de sociétés. Ils ont eu un mois pour s’emparer de la première volée de sujets, et à présent ils ont voté pour le droit des animaux, l’ouverture des frontières, la mise en commun des forêts… et même la récupération de l’Arc de triomphe !

Elle se lève avec un sourire narquois et finit son verre.

— De toute façon, j’ai toujours détesté nos appartements présidentiels. On va revenir à une vie plus simple. J’ai réservé une nouvelle suite.

Ma nièce la rejoint à cet instant, une veste sur le dos et ses chaussures aux pieds. Je suis affolé.

— Une suite ? Mais où ?

— Tu te rappelles, tu voulais ce rooftop au sommet de l’Arc de triomphe parce tu adorais les cabanes dans les arbres quand tu étais petit ? Maintenant, nous allons pouvoir vivre nos rêves. J’ai réservé une cabane dans les arbres, dans la nouvelle Fontainebleau.

Elle jette son manteau sur ses épaules et, tandis qu’elle se dirige vers la porte, je peux lire dans son dos “I REALLY DON’T CARE, DO U ?”

Brève : “Quête immobile” (800mots)

Nouvelle écrite en 2h au match d’ecriture aux Imaginales 2018. Retravaillée ensuite.
Contrainte : ”C’était dans les cartes”…
800 mots

 

Quête immobile

C’était dans les cartes. Rien ne s’était tout à fait perdu, elle voulait y croire. Il suffisait de chercher, de persévérer, d’écumer cet océan de papier jusqu’à y débusquer la cachette de ce satané trésor sacré.  Elle avait un atout inégalable : une carte de papyrus où une croix nette indiquait la relique. Il y avait peu de texte, seulement le schéma d’un temple, l’esquisse d’une coline proche, d’une montagne au loin… Un prêtre de Kempta avait voulu protéger ses frères du pouvoir de l’artefact, mais un milier d’année n’avait pas révélé le secret qu’il avait emporté dans sa tombe. Lyrinne s’estimait chanceuse de ne chercher le temple que depuis huit ans.

Elle recoupait les informations, à mi-chemin entre le puzzle et le jeu de piste. Elle ne sortait même plus de l’atelier soutterrain où elle avait découvert le plan, étalant à même la roche nue la somme de ses recherches pour tout ausculter à son aise. Elle se sentait chez elle dans ce réseau de galeries empli de vieilles machines et d’établis poussierreux, creusé à même un grès clair, toujours sec et tiède, quelque soit la saison au-dehors.

Trois ans auparavant, elle s’était forcée à replonger brièvement dans le monde extérieur pour d’ultimes informations : elle devait interroger les prêtres de Kempta ou du moins ceux de ses comtemporains fanatiques qui s’imaginaient perpétuer le culte du Feu. Lyrinne les haïssait. Des religieux sacrilèges, pollueurs du Feu éternel, dipalideurs de la beauté du monde ; elle aurait voulu leur cracher au visage, arracher leurs oriflammes et les offrir à la brutalité du feu chaud, abandonnant au banal gel froid leur corps criminel.

Mais la relique passait avant tout.

Pour elle, Lyrinne avait été extêmement polie. Elle avait rédigé à l’avance des questions serviles et flatteuses, avait structuré leur succession pour pouvoir adapter chaque entrevue et collecter un maximum d’information tout en étant prise pour une simple curieuse. Les religieux ne se méfiaient pas, tout cela n’était que mythes pour eux. Leur foi aveugle n’envisageait même pas l’existence réelle de de l’objet divin, sa matérialité inimaginable.

Dans six temples successifs, elle avait suivi son diagramme d’approche, presque une carte de questions, simplement pas éternelle celle-là, et avait déniché dans la mémoire des moines quelques informations complétentaires : le météore était passé au-dessus du temple de Charpre, l’impact avait été entendu pendant la prière à Dunpilane, la terre avait tremblée jusqu’aux iles de Kiepapre… des miettes de savoir. Cachés sous leurs bures blanc-gel, ces annoneurs de cantiques avaient tout oublié des événements fondateurs de leur culte et ne bafouillaient plus que les poncifs du canon de Kempta.

La réponse définitive ne pouvait provenir que des cartes de Lyrinne. Elle les juxtaposait, traçait des trajectoires, fixait des fils, accrochait ses crayonnés, tissait dans leur trame de nouveaux détails géographiques. Telle rivière s’était déplacée depuis l’ancien monde, telle montagne avait explosée et la lave avait ajouté au monde une péninsule tout entière…

Lyrinne devait recoudre l’Histoire pour déchirer le voile du mystère. Les années passaient, elle ne faiblissait pas. A quoi bon de toute façon s’attarder sur un monde extérieur si éphémère ?

Les Hommes étaient plus volages encore que la nature : leurs routes dansaient sur le sol au fil des décennies, leurs villes pullulaient et mourrait au rythme rapide des famines et des guerres,  les noms même de la terre dégéneraient, déformés par le lent machonnement des langues.
Lyrinne se savait humaine , elle aussi,  visage de chair destiné à s’affaisser, poitrine creusée puis crevée par la vermine, os blanchis que l’on écarte du pied. A la viellesse, la maladie ou la main de ses semblables, son corps se céderait et son esprit s’effacerait tout entier, petite chose passante, passable, dissoute bientôt dans le passé, déjà sans avenir…

A moins qu’elle ne trouve la Flamme de Gel.

L’artefact infiniment froid, limite de toute science. Capable de figer la réalité elle-même. La Kempta arretait-elle le temps ? Abaissait-elle la température en desous du zéro absolu ? Ou bien son action était plus subtile, en rapport avec les méandes de ce qui fait l’esprit et l’être, en contact direct avec une nature causale du temps ? Fonder une religion au nom de la Flamme de Gel n’avait pas permis d’en savoir plus et Lyrinne n’en savait pas plus. L’essentiel était ailleurs.

Une seule certitude la guidait, boussole dans une vie sans géographie : le contact de la Flamme brulerait sa vie mortelle et inscrirait son être dans l’éternité. Le Gel chaud la capturerait à l’instant de son triomphe, la rendrait plus solide que l’acier le plus dur et plus immobile que dans la glace la plus froide. A jamais ses traits et ses courbes resteraient pour tous lisibles, sans que jamais quiconque ne puisse plus la souiller.

L’antique papyrus avait résisté aux siècles pour apporter à Lyrinne une plume pour s’inscrire dans le cours du temps lui même. Elle salua ses cartes d’un effleurement de la main, parcourut du regard les engrenages immobiles des mécanismes antiques, soupira en apercevant sur la paroi la mousse nutritive au gout si âcre qui l’avait nourrie la majorité de sa vie adulte. Puis enfin elle se reprit, secoua la tête, ordonna ses pensées, attacha ses cheveux gras en un chignon négligé et redescendit à la surface du papier, entre les lignes et les mots, en quête de sa flamme perdue.

Brève : Je viens après (300mots)

A l’origine, un essai en 30′ pendant d’un atelier d’écriture. Un peu retravaillée ensuite quand même. J’essaye des effets, dites-moi si ça passe…

Contrainte de l’atelier sur la première phrase “Je vois le monde avec les yeux de mon nom”. Phrase que j’ai d’ailleurs un peu changée…

Je viens avec mon nom. Fabien, du latin Fabius, la fève. Légumineuse grasse.

Je levai la tête quand la maîtresse distribuait les copies, qu’elle appelle mon nom ou pas, qu’elle s’adresse à moi ou à un autre, du moment qu’elle commentait suffisamment fort une mauvaise note : “Pas bien ! Pas Bien !”

J’ai vu mes parents, assis sur l’herbe à Fontainebleau, chercher un prénom pour ma petite sœur. Alors je les vois aussi avant ma naissance, au soleil sur cette nappe, parmi ces restes de pique-nique, à énumérer des prénoms jusqu’à celui qui s’impose, celui de toute une vie. Un instant après, ma sœur s’appelait Marion, quelques instants plus tard c’était une petite fille joyeuse qui ânnonait les mots, tâtonnait pour former des phrases, et mâchonnait mon prénom sans parvenir à le prononcer : “Païen, païen !”

Pas exactement l’intention parentale.

Et pourtant peut-être y a-t-il une thématique cachée, puisque eux pensaient à une autre forme d’impiété, celle du Colonel Fabien qui, en 1941 à la station Barbès-Rochechouart, se rebelle contre l’envahisseur en ôtant une vie de deux coup de pistolets, caché par la courbure prononcée du quai de la ligne 4, fuyant par la ligne 2 aérienne. L’Allemand meurt, le Parti Communiste Français vient d’entrer dans la résistance armée.

Mais le nom “Barbès-Rochechouart” renvoyait d’un homme politique trop prestigieux pour qu’on accepte, après la guerre, de rebaptiser le lieu en mémoire de l’acte, alors la commémoration est reportée ailleurs, sur un arrêt de métro jusque là affligé d’un simple nom commun, la station “Combat”.  Ainsi sont baptisés la place et le métro “Colonel Fabien”, à l’endroit exact où avait résistée l’ultime barricade des Communards en 1871 et là où on érigerait un jour le siège du parti Communiste, cimentant un siècle et demi de combats contre l’oppression, pour le triomphe de la liberté et pour l’arrivée, enfin, de nouveaux avenirs magnifiques.

Je viens après.