Chroniques terrestres (écrit à 14 ans) (Chapitre 1, 903 mots)
Tout commence ici.
Le peuple a choisi.
Bientôt il ne sera plus.
Nos créateurs nous succéderons, nous ne romprons pas le cycle.
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Mes médias
J’exprime mes passions :
> pour la science sur l’instagram Constellabulles.
> pour l’écrit sur l’instagram Mire à mots.
> pour la lecture orale sur le soundclound Voix de Fabien.
> pour l’écriture sur le blog wordpress Entorticolicoté où vous vous trouvez actuellement.
J’ai aussi des tumblr, avec des photos de mes petits bricolages domestiques, de claviers, des réflexions sur la narration… et de mes moments en café, sur un banc ou ailleurs, à lire et à écrire…
J’ai aussi un twitter et quelques autres réseaux, mais dont je chercher encore à comprendre l’usage…
Les Mages de l’Informe – Chapitre 1 part 3 (405 mots)
Fronçant les sourcils, Célian tira en arrière son petit frère et s’agenouilla à sa place, plateau et bières en équilibre sur une main. Ellimac se recula pour surveiller que les clients ne le bousculaient pas.
– C’est la Bête tu crois ? demanda Ellimac avec excitation. Ça n’aime pas les orages, hein ? Continuer la lecture de « Les Mages de l’Informe – Chapitre 1 part 3 (405 mots) »
Les Mages de l’Informe – Chapitre 1 part 2 (1567 mots)
Le soleil baissait à l’horizon, les nuages s’étendaient en tentacules moutonneuses et approchaient leurs ténèbres vers l’auberge. Le vent sifflait et portait déjà quelques gouttes jusqu’aux deux garçons. Continuer la lecture de « Les Mages de l’Informe – Chapitre 1 part 2 (1567 mots) »
Terres ascendantes, chapitre 2 (1600mots)
2. Compte rendu ; par la princesse
Mon cœur est lourd et mes mains fébriles, je ne suis probablement pas en état d’écrire où de penser correctement. Mais je sais que si je ne les consigne pas immédiatement, alors qu’ils sont encore frais à mon esprit, les événements de ce soir reviendront sans cesse me hanter. Le roi mon père est mort, les restes de son corps maculent le tapis royal. Mais étrangement ce n’est pas son décès qui m’émeut le plus. Un peu plus tôt dans la soirée, le fils de l’étoile est mort de sa main. Mon cœur s’agite encore davantage de penser à cet homme… Il était superbe.
Lorsque mon père apprit que son armée revenait de campagne, il s’empressa de les rejoindre pour être informés de leurs pertes. De leur victoire ou de leur défaite. C’était la quatrième expédition qu’il envoyait contre les compagnons du fils de l’étoile. Les soldats des expéditions précédentes avaient décrit une cité immense, cernée de murailles hautes comme trois hommes. Lorsqu’ils s’en étaient approchés, une pluie de feu s’était abattue sur eux et un cercle de flammes avait entouré la ville. Trois tentatives de prendre la cité s’étant soldées par autant d’échec, mon père était très inquiet du résultat de la quatrième, dont dépendait sa réputation vis-à-vis de ses rivaux. Plusieurs fois pendant ces dernières semaines, il s’était réveillé au beau milieu de la nuit en hurlant, terrorisé par des cauchemars dont il n’avait rien voulu dire. Cette fois-ci cependant, ses craintes étaient infondées. Ses troupes revenaient victorieuses. Père avait envoyé toutes ses forces là-bas, craignant la puissance de l’ennemi, mais en fait les pertes avaient été plutôt faibles.
Son commandant révéla qu’une fois la porte principale enfoncée, ils n’avaient rencontrés que peu de résistance. Puis il fit deux cadeaux à mon père : le premier : le fils de l’étoile et sa famille, au grand complet, enchaînés et bâillonnés. Le second, une statuette d’ivoire blanc, finement ouvragée et représentant un animal exotique marchant à quatre patte et doté d’une épaisse crinière. Celle-ci était peinte en rouge feu, ce qui donnait à l’animal une allure royale. Père dit que les brigands avaient du voler ce bijou, mais à mon avis ils l’avaient plutôt fabriqués eux-mêmes. Le commandant me le confirma un peu plus tard en m’offrant une autre statuette, un animal marin ressemblant à un poisson, mais avec un long bec à l’avant. Il est représenté sautant hors de l’eau et dégage une réelle expression de joie. Je n’avais jamais entendu parler de telles créatures auparavant…La cité qu’ils ont détruite était réputée pour bien des choses, et ce n’est pas le premier bel objet que j’en reçois. Mon père savait l’influence de cet endroit et c’est pour cela qu’il l’a attaquée. Les richesses importe peu, c’est le prestige d’avoir détruit un si bel endroit qu’il voulait. Tous les seigneurs des environs s’inclineraient devant lui à présent, s’il n’était pas mort.
Je n’ai vu de mes propres yeux le fils de l’étoile qu’un peu plus tard dans la soirée. Il était très vieux, peut-être même avait-il dépassé la cinquantaine. Et pourtant il était incroyablement beau. Ses traits dégageaient une telle noblesse… Il était vêtu simplement, mais en vérité c’était parce qu’il n’attachait pas d’importance à ces choses. Il fut amené devant mon père, la tête haute bien que les yeux pleins de larmes retenues. Ses yeux, qui en scintillaient d’une façon que je n’avais jamais observée chez un homme, pleine d’émotion mais aussi de dignité. Un garde le frappa dans les jambes pour le forcer à s’agenouiller comme le veux la tradition. Sa famille ne bougeant pas pour montrer du respect à mon père, les gardes durent également les frapper, même la petite fille de cinq ans. Mais ils ne parvinrent pas à faire asseoir celle-ci car elle se relevait sans cesse, petit bout de chou qui n’avait pas conscience du sang qui commençait à couler de ses jambes à force de coups. Elle refusait catégoriquement de se soumettre, se relevant encore et toujours. Un garde finit par l’assommer pour avoir la paix.
Jouissant de sa victoire, mon père a commencé à interroger le fils de l’étoile. Pour toute réponse, celui-ci lui adressa un regard incroyable. Il était là, devant nous, de nos richesses et de nos hommes, ses pieds et ses mains étaient liées, sa peau et ses vêtements souillés par des jours et des jours de marche. Et pourtant l’essence de son regard n’était pas ni la soumission, ni la rébellion, mais bien une incompréhensible compassion. Gêné que cet homme lui résiste devant sa cour, mon père commença à le frapper. Les mains liées, le fils de l’étoile ne tarda pas à tomber par terre et, bien trop vieux, il fut incapable de se relever seul. Mon père le fit redresser par un garde et recommença à l’interroger. Après un soupir l’homme finit par lui répondre.
― Est-il vrai que tu es le fils d’une étoile ? Avait demandé mon père.
― Oui… Mais ce n’était rien de plus qu’une créature de chair et de sang, comme chacun d’entre nous. Il disposait simplement de plus de bonté que d’autres.
― Insolent ! Tu ne comprends pas combien ce que tu as fait est pas bien !
― Peut-être. Mais de mon coté, je ne pense pas que vous ayez la moindre idée de ce que vous venez de détruire.
― Sale chien ! Tu adorais ça vivre dans le péché hein ? Il suffit de voir comment tu as été incapable de défendre les tiens : un faible. Regarde ta femme, elle va passer la nuit avec moi ce soir.
― La force ne vous donnera pas la légitimité dont vous rêvez. Cette nuit notamment, prenez garde à ce qu’aucun de vos commandants ne profite de votre plaisir pour vous exécuter. Peu l’en blâmeraient.
Fou de rage, mon père arracha l’arme d’un des gardes à cotés de lui et lança la lame vers le cou du fils de l’étoile. Mais il n’avait pas frappé assez fort et la gorge ne fut tranchée qu’à demi. Il dû s’y reprendre à nouveau pour finir de décapiter le fils de l’étoile.
Les enfants du fils de l’étoile étaient pétrifiés. Sa femme éclata en sanglot et, brisée, s’effondra sur le sol. Un de ses fils la prit dans ses bras pour la consoler, lui-même fixant mon père avec défiance. Celui-ci annonça que toute la famille travaillerait comme esclaves au palais et, s’approchant de la plus jolie des filles, déclara qu’elle entrerai dans son harem personnel.
C’est à ce moment que la scène fut interrompue. Une jeune homme d’une vingtaine d’année, au regard étrange et profond, vêtu de frusques déchirées mais marchant très droit, entra dans la pièce. Son corps était si frêle et décharné qu’on n’aurait pas été étonné de le voir s’effondrer sur le champ. Mais nous fîmes une grosse erreur en le jugeant sur son apparence physique : ce n’était qu’une façade. Les gardes tentèrent de l’empêcher d’avancer, mais il les repoussa avec tant de force qu’ils allèrent s’écraser contre les murs. L’un d’entre eux percuta une colonne, qui se brisa sous le choc. Les autres gardes hésitèrent devant ce petit bout d’homme. Leur fidélité à mon père était suffisante pour qu’ils s’en prennent à un pauvre hère sans défense mais celui-ci semblait dangereux. Mieux valait laisser sa majesté s’en occuper…
L’enfant posa le regard sur le corps du fils de l’étoile. Son père manifestement, car il y avait une ressemblance entre leurs traits. Mais ses yeux semblaient sauvages, pleins de rage et de violence à peine contenue, tout à l’opposé de son père. Le visage déformé par un rictus de haine il semblait plus animal qu’humain. Pour cette raison d’ailleurs, tout le monde fut très étonné de l’entendre s’exprimer haut et clair, d’un accent raffiné. Il dit quelque chose de la sorte :
― Je n’avais pas à me mêler de la défense mais j’estime qu’il me reste un devoir de vengeance.
Et à partir de ce moment ce fut la débâcle. Le jeune homme bondit sur mon père… un saut de plusieurs mètres de long ! Il commença par lui rompre le cou en le faisant effectuer un demi tour. Mon père eut à peine le temps d’avoir peur, et ne souffrit probablement pas. Il était déjà mort à cet instant, mais le jeune homme n’en resta pas là pour autant. Il continua en lui fracassant le crâne contre le sol, avant de s’acharner sur le cadavre comme un charognard doté d’une force prodigieuse. Il était comme un animal : violent mais efficace, sans aucune cruauté mais sans aucune gène non plus. Je l’ai vu porter à ses lèvres la chair de mon père. Je ne regarda pas la suite, mais j’ai revu le corps de mon père depuis. Ce n’est pas qu’un tas sanguinolent de chairs écrasées, encore plus répugnantes que ne le fut mon père de son vivant. Je ne le regretterais pas. Le général Jodo, qui revient donc de campagne contre les gens du fils de l’étoile, m’a demandé ce matin de l’épouser, pour qu’il puisse monter sur le trône en lieu et place de mon père… Je ne sais pas encore ce que je vais lui répondre. Je voudrais surtout rendre les événements de ce soir plus clairs dans ma tête…La famille du fils de l’étoile est repartie avec l’enfant-démon et personne ne les a suivis. Je ne devrai peut-être pas penser ainsi, mais je reste convaincue que si un homme de valeur est mort ce soir, c’est bien le fils de l’étoile, quel qu’il ait été.
Gouv’Audace
Atelier collaboratif d’écriture du 23 juin 2018, avec les idées de mes deux compagnons de tables, Myriam et Aurore. Écrit en 1 heure tout compris, non-retravaillé depuis…
23 juin 2050, je me réveille et j’apprends que les citoyens ont pris le pouvoir. J’ai mis un peu de temps à comprendre. Ma nièce de six ans déboule en criant dans la chambre : “on a gagné on a gagné !”. Encore ensommeillé, je ne pense pourtant pas qu’il y avait match hier soir. Elle repart aussi vite qu’elle était venue.
D’un signe de la main, j’allume mon écran mural et l’interface en relief apparaît. J’ai reçu 2733 messages durant la nuit. L’un est mis en avant, il provient de la Ville de Paris et est intitulé “Notice d’expulsion rooftop présidentiel.” Mon sang ne fait qu’un tour. Sautant de mon lit, je découvre qu’une foule festive est amassée au pied de mon Arc de triomphe, juste en dessous de moi.
— Assistant, appelle M. Henri immédiatement !
Le visage de mon conseiller apparaît sur le mur, l’air aussi inquiet que moi.
— Henri, qu’est-ce que tout ce tumulte ?
— M. le président, les Uptoyens fêtent l’inauguration de l’application Gouv’Audace.
— Hein ? C’est le truc voté à l’assemblée le mois dernier ? Pourquoi ça ressort maintenant ?
Il lève les yeux au ciel.
— Il y avait un mois de préparation, pour que les Up’toyens s’emparent de leurs sujets, et hier soir était le premier vote massif.
— Bon, peu importe ces gadgets technologiques. J’ai reçu un message d’expulsion, qu’est-ce que c’est que cette histoire.
— C’était justement un des sujets du vote d’hier. La majorité a décidé que votre rooftop au sommet de l’Arc de triomphe redeviendrait public, un point de vue sur les jardins de la place…
— Quoi ? Pour qui ils se prennent ? Ils n’ont pas le droit ! C’est quoi ce délire de fake news ? Je croyais qu’au moins depuis l’effondrement de Google on en avait fini avec ces balivernes !
Tout en parlant, j’ouvre mon placard, qui a sélectionné d’avance un costume pour la journée, un tissu irisé dont les bras-écrans me permettent d’emporter ma visio-conférence dans le salon.
Ma femme est sur le canapé, à contempler le lever de soleil, un verre de champagne à la main. Oubliant Henri affiché sur ma manche, je comprends à son sourire qu’elle en sait déjà plus que moi.
— Bonjour mon chéri. J’ai préparé mes affaires pour le déménagement.
— Je ne vais pas me laisser faire ! Je suis le président de la 5e République…
— Je savais bien que tu n’avais rien compris à cette loi… tu n’as plus aucun pouvoir mon chéri. On est passé à une société participative. Les citoyens sont tirés au sort pour voter sur les enjeux de sociétés. Ils ont eu un mois pour s’emparer de la première volée de sujets, et à présent ils ont voté pour le droit des animaux, l’ouverture des frontières, la mise en commun des forêts… et même la récupération de l’Arc de triomphe !
Elle se lève avec un sourire narquois et finit son verre.
— De toute façon, j’ai toujours détesté nos appartements présidentiels. On va revenir à une vie plus simple. J’ai réservé une nouvelle suite.
Ma nièce la rejoint à cet instant, une veste sur le dos et ses chaussures aux pieds. Je suis affolé.
— Une suite ? Mais où ?
— Tu te rappelles, tu voulais ce rooftop au sommet de l’Arc de triomphe parce tu adorais les cabanes dans les arbres quand tu étais petit ? Maintenant, nous allons pouvoir vivre nos rêves. J’ai réservé une cabane dans les arbres, dans la nouvelle Fontainebleau.
Elle jette son manteau sur ses épaules et, tandis qu’elle se dirige vers la porte, je peux lire dans son dos “I REALLY DON’T CARE, DO U ?”
Ma présence en ligne… notes.
Alors, pour m’y retrouver :
Framapads ou GDocs : pour faire des relectures annotées.Inscription requise.
Format Blog : pour des lectures commentées mais pas trop annotées
Wattpad : j’ai mis des textes à lire, mais il faut que les gens s’inscrivent c’est pénible…
Instagram : Pharabulles pour une médiation science à mon goût.
Soundcloud : essais de voix pour médiation.
Facebook : hélas me sert encore pour beaucoup trop de choses.
BTGP Chapitre 1 (1120 mots)
Chapitre 1 : Le Départ
J’avais dix ans et maman n’était pas heureuse. Je me souviens. Elle faisait à manger, elle m’amenait à l’école et nettoyait la maison, mais elle restait silencieuse, assise devant la télé, et n’insistait plus pour que je fasse mes devoirs. Alors j’avais arrêté.
Je me mis à jouer davantage. Je construisis un immense pont-rempart en legos, qui descendait plusieurs marches de l’escalier et dans lequel je voyais l’œuvre d’une civilisation extraterrestre avancée, venue sur notre planète pour partager de fabuleuses connaissances scientifiques. On m’avait bien expliqué que le progrès technologique rendrait un jour les gens enfin heureux.
D’ici là, les legos et la console de jeu étaient moins drôles dans la maison vide, sans papa. Un matin, je l’avais entendu rassembler ses affaires, comme pour aller au travail, et j’avais attendu dans mon lit qu’avant de partir il vienne me voir. Il n’était pas venu, il était parti. Puis, jour après jour, deux semaines avaient passé.
Maman finit par se ressaisir. À cette époque, la capacité des adultes à prendre des décisions m’apparaissait comme un super-pouvoir. Papa avait décidé de partir, cela faisait de lui un super-vilain. Maman rêvait du retour de papa, mais Grand-mère voulait qu’elle se batte, son patron exigeait son retour immédiat, son psychologue lui suggérait de changer son rapport aux hommes et moi, bien sûr, je réclamais à cor et à cri qu’elle reste à la maison toute la journée, à mes côtés. Face à tous ces impératifs, elle prit une décision. En bonne super-héroïne, elle ne chercha pas ce qui la rendrait heureuse, elle agit pour la résolution des problèmes concrets.
Chaque détail est gravé dans ma mémoire, jusqu’au déclic de la poignée, l’ouverture de la portière et le rouge de l’aube envahissant l’arrière de la voiture. Ensommeillé, plissant des yeux, je la repoussais d’une main molle et protestais à mi-voix :
— Je veux pas y aller…
— Chéri, fit-elle en détachant ma ceinture, tu sais que maman ne peut pas te garder aujourd’hui. Il faut bien travailler.
Sa main me tira hors du confort de la banquette. Je pris pied dans un quartier pavillonnaire bordé de grandes haies, où rien ne bougeait ni ne faisait de bruit. Maman claqua la portière et m’entraîna vers un portail métallique.
— Mais c’est dimanche ! geignis-je
— Et le dimanche, maman est payée beaucoup plus.
Elle s’interrompit devant le digicode de l’entrée, retrouva la combinaison notée dans son mobile et nous fit pénétrer chez Grand-père.
— Tu sais que nous avons besoin de cet argent, reprit-elle.
Une forte odeur me distrait un instant et je cherchais des sapins du regard, sans en trouver. Le sentier nous menait à travers une pelouse parfaitement entretenue, vers un porche gris sans décorations.
— Je veux pas rester avec grand-père !
Je traînais les pieds dans le gravier. Arrivée au perron, maman posa un genou sur le dallage pour se mettre à ma hauteur et mit son sac à l’épaule pour lui éviter la saleté. Elle m’adressa une moue embarrassée.
— Chéri, c’est la première fois que tu vas voir ton grand-père depuis que tu es grand. Laisse-lui une chance. Il est content de rencontrer son petit-fils !
— Mamie a dit qu’il était méchant et qu’il ne pensait qu’à lui.
Maman leva les yeux au ciel en soupirant. Puis elle ramena le regard vers le sol et consulta sa montre tout en me répondant.
— C’est aussi le seul de notre famille qui a réussi dans la vie, dit-elle. Il a de l’argent et du succès. Il n’est pas obligé de courir partout, lui. Si nous lui ressemblions un peu plus…
— S’il est aussi fort, pourquoi il ne nous aide pas ? Pourquoi on est tous malheureux à part lui ?
— Oh, chéri… Nous ne sommes pas malheureux… pas tout le temps. C’est une mauvaise période. Tout le monde traverse des périodes difficiles, ça arrive. Mais aujourd’hui, ça va aller: je vais aller à l’hôtel, je vais faire mon service et gagner assez d’argent pour pouvoir payer le loyer. Tu vois, ça va aller ! Toi, tu vas profiter de… de la maison pleine des inventions de Grand-Père, ça va être rigolo ! Et… si tu te calmes et que tu réfléchis, tu verras qu’il n’y a pas de raison d’avoir peur. D’accord ? Sois rationnel mon chéri.
Je n’avais pas peur, je ne voulais seulement pas qu’elle parte. Je baissai les yeux avec résignation et Maman me sourit.
– Ca veut dire quoi, rationnel ?
Ses lèvres s’entrouvrirent, mais son regard s’égara et aucun mot ne lui vint. Elle passa la main dans mes cheveux pour les replacer. Son sourire était parti.
Elle prit une grande inspiration et, se redressant face à la maison, elle appuya sur la sonnette. Une note stridente s’éleva à l’intérieur, et y résonna sans susciter de réaction. Des oiseaux chantaient, réconfortants quoiqu’invisibles. Maman patienta un peu, regarda sa montre, gémit, puis se décida à attaquer le bouton en rafales, encore et encore avec nervosité et inquiétude jusqu’à ce que l’interphone finisse par soudain s’allumer. L’écran afficha le buste d’un homme aux cheveux gris, découpé dans la pénombre par une lumière bleutée.
— J’ai entendu. Je suis vieux, pas sourd.
— Papa, je suis venue te déposer Lucas.
— Je suis au courant, tu m’as prévenu avant-hier. Je finis ce que je suis en train de faire et je viens vous ouvrir.
— Papa, je suis en retard, je dois aller au travail.
— J’en ai pour cinq minutes, si tu arrêtes de me faire perdre mon temps.
L’homme coupa la communication. Maman gémit, le temps passa. Je songeai que Grand-père devait être en train de cuire un plat, seule activité que je connaissais qui était grave si on l’oubliait une minute de trop. Maman regardait vers le portail et me faisait beaucoup de sourires. Cela m’agaça, surtout lorsque le vent frais finit par s’infiltrer sous mon manteau. Je frissonnai. Maman assénait un dernier coup de sonnette, sans réponse, et s’agenouilla à nouveau auprès de moi :
— Chéri, je ne peux pas attendre, mon chef va être furieux. Tu restes devant la porte ? Grand-Père va venir t’ouvrir. Tu ne risques rien dans le jardin.
Je hochais la tête puis la gardai baissée, cachant ma tristesse. Si je me sentais protégé par la muraille des arbres, je ne voulais pour autant pas rester seul. Maman passa une main sur ma joue.
— Très bien, mon chéri, tu es très courageux. Pas comme ton père.
Elle soupira, jeta un coup d’œil à sa montre, me dit qu’elle m’aimait et se redressa en prenant une grande inspiration. Je voulus la retenir de la main, mais déjà elle dévalait le sentier vers le portail et je ne pus que la regarder disparaître, le cœur fruste et le poing serré.
(Le chapitre 2 est aussi disponible en ligne !)
Brève : “Quête immobile” (800mots)
Nouvelle écrite en 2h au match d’ecriture aux Imaginales 2018. Retravaillée ensuite.
Contrainte : ”C’était dans les cartes”…
800 mots
Quête immobile
C’était dans les cartes. Rien ne s’était tout à fait perdu, elle voulait y croire. Il suffisait de chercher, de persévérer, d’écumer cet océan de papier jusqu’à y débusquer la cachette de ce satané trésor sacré. Elle avait un atout inégalable : une carte de papyrus où une croix nette indiquait la relique. Il y avait peu de texte, seulement le schéma d’un temple, l’esquisse d’une coline proche, d’une montagne au loin… Un prêtre de Kempta avait voulu protéger ses frères du pouvoir de l’artefact, mais un milier d’année n’avait pas révélé le secret qu’il avait emporté dans sa tombe. Lyrinne s’estimait chanceuse de ne chercher le temple que depuis huit ans.
Elle recoupait les informations, à mi-chemin entre le puzzle et le jeu de piste. Elle ne sortait même plus de l’atelier soutterrain où elle avait découvert le plan, étalant à même la roche nue la somme de ses recherches pour tout ausculter à son aise. Elle se sentait chez elle dans ce réseau de galeries empli de vieilles machines et d’établis poussierreux, creusé à même un grès clair, toujours sec et tiède, quelque soit la saison au-dehors.
Trois ans auparavant, elle s’était forcée à replonger brièvement dans le monde extérieur pour d’ultimes informations : elle devait interroger les prêtres de Kempta ou du moins ceux de ses comtemporains fanatiques qui s’imaginaient perpétuer le culte du Feu. Lyrinne les haïssait. Des religieux sacrilèges, pollueurs du Feu éternel, dipalideurs de la beauté du monde ; elle aurait voulu leur cracher au visage, arracher leurs oriflammes et les offrir à la brutalité du feu chaud, abandonnant au banal gel froid leur corps criminel.
Mais la relique passait avant tout.
Pour elle, Lyrinne avait été extêmement polie. Elle avait rédigé à l’avance des questions serviles et flatteuses, avait structuré leur succession pour pouvoir adapter chaque entrevue et collecter un maximum d’information tout en étant prise pour une simple curieuse. Les religieux ne se méfiaient pas, tout cela n’était que mythes pour eux. Leur foi aveugle n’envisageait même pas l’existence réelle de de l’objet divin, sa matérialité inimaginable.
Dans six temples successifs, elle avait suivi son diagramme d’approche, presque une carte de questions, simplement pas éternelle celle-là, et avait déniché dans la mémoire des moines quelques informations complétentaires : le météore était passé au-dessus du temple de Charpre, l’impact avait été entendu pendant la prière à Dunpilane, la terre avait tremblée jusqu’aux iles de Kiepapre… des miettes de savoir. Cachés sous leurs bures blanc-gel, ces annoneurs de cantiques avaient tout oublié des événements fondateurs de leur culte et ne bafouillaient plus que les poncifs du canon de Kempta.
La réponse définitive ne pouvait provenir que des cartes de Lyrinne. Elle les juxtaposait, traçait des trajectoires, fixait des fils, accrochait ses crayonnés, tissait dans leur trame de nouveaux détails géographiques. Telle rivière s’était déplacée depuis l’ancien monde, telle montagne avait explosée et la lave avait ajouté au monde une péninsule tout entière…
Lyrinne devait recoudre l’Histoire pour déchirer le voile du mystère. Les années passaient, elle ne faiblissait pas. A quoi bon de toute façon s’attarder sur un monde extérieur si éphémère ?
Les Hommes étaient plus volages encore que la nature : leurs routes dansaient sur le sol au fil des décennies, leurs villes pullulaient et mourrait au rythme rapide des famines et des guerres, les noms même de la terre dégéneraient, déformés par le lent machonnement des langues.
Lyrinne se savait humaine , elle aussi, visage de chair destiné à s’affaisser, poitrine creusée puis crevée par la vermine, os blanchis que l’on écarte du pied. A la viellesse, la maladie ou la main de ses semblables, son corps se céderait et son esprit s’effacerait tout entier, petite chose passante, passable, dissoute bientôt dans le passé, déjà sans avenir…
A moins qu’elle ne trouve la Flamme de Gel.
L’artefact infiniment froid, limite de toute science. Capable de figer la réalité elle-même. La Kempta arretait-elle le temps ? Abaissait-elle la température en desous du zéro absolu ? Ou bien son action était plus subtile, en rapport avec les méandes de ce qui fait l’esprit et l’être, en contact direct avec une nature causale du temps ? Fonder une religion au nom de la Flamme de Gel n’avait pas permis d’en savoir plus et Lyrinne n’en savait pas plus. L’essentiel était ailleurs.
Une seule certitude la guidait, boussole dans une vie sans géographie : le contact de la Flamme brulerait sa vie mortelle et inscrirait son être dans l’éternité. Le Gel chaud la capturerait à l’instant de son triomphe, la rendrait plus solide que l’acier le plus dur et plus immobile que dans la glace la plus froide. A jamais ses traits et ses courbes resteraient pour tous lisibles, sans que jamais quiconque ne puisse plus la souiller.
L’antique papyrus avait résisté aux siècles pour apporter à Lyrinne une plume pour s’inscrire dans le cours du temps lui même. Elle salua ses cartes d’un effleurement de la main, parcourut du regard les engrenages immobiles des mécanismes antiques, soupira en apercevant sur la paroi la mousse nutritive au gout si âcre qui l’avait nourrie la majorité de sa vie adulte. Puis enfin elle se reprit, secoua la tête, ordonna ses pensées, attacha ses cheveux gras en un chignon négligé et redescendit à la surface du papier, entre les lignes et les mots, en quête de sa flamme perdue.