Les Mages de l’Informe – Chapitre 1 part 1 (885 mots)

Chapitre 1 : Les deux garçons et la foudre

Soulevant l’épaisse toile de la fenêtre, Ellimac jeta un œil à l’extérieur. D’épais nuages noirs s’accumulaient dans le ciel, couvrant la plaine d’une ombre immense.

— Elli ! rugit son père depuis l’arrière, ces fenêtres ne vont pas se graisser toutes seules !

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Terres ascendantes, Chapitre 4 (1157 mots)

4. Notes du Trois Kasas de l’an soixante cinq ; par le marchand

Nous avons atteint la petite bourgade de Tétol, en aval du fleuve Sloda. Le voyage a pris quatre jours depuis la cité d’Hitess. Les habitants sont accueillants et semblent disposer de belles lames ouvragées, conçues pour l’estoc. Je n’en ai encore acquis qu’une, mais j’ai bon espoir de faire mieux plus tard. -Penser à acheter plus de jarres la prochaine fois que je passerai à Karsam, les gens d’ici m’en donneront un bon prix.-

Timmy a encore fait des siennes aujourd’hui. Il m’a ramené un adolescent d’une dizaine d’année, à demi mort de faim, et a demandé à ce qu’on le nourrisse. Il semblait véritablement ému par le sort de ce garnement… Je l’ai laissé partager ses rations : après tout ce sont les siennes. Continuer la lecture de « Terres ascendantes, Chapitre 4 (1157 mots) »

Terres Ascendantes : Chapitre 3 (1153 mots)

Chapitre 3 : Le fils d’une femme solitaire ; par la mère

Timmy s’est toujours surpassé. Il est le digne fils de son père. Plus que ça même. Déjà tout petit, il n’avait de cesse de m’étonner. Nous vivions dans les plaines désertiques de l’ouest, à l’écart de toute présence humaine. C’était ma faute bien entendu, je ne pouvais tout de même pas me montrer en public. La marque de l’infamie ne disparaîtrait jamais de mon front. Deux lignes courbes entremêlées, inscrites à jamais dans ma chair par le métal incandescent. La marque de la honte. Je suppose que nous devons tous porter le poids de nos erreurs passées, mais j’ai toujours détesté l’idée que mon fils les subisse lui aussi. Continuer la lecture de « Terres Ascendantes : Chapitre 3 (1153 mots) »

NTA – Chapitre 1 (1596 mots)

Chapitre 1 : Armistice

Je fuse à travers le vide. J’ai été projeté dans l’obscurité, coupé de tout contact avec le reste de l’univers. Je suis nu, ou presque. Quelques hertz d’intelligence, une poignée de nanomètres d’énergie… Ma seule chance est la vitesse, cette extrême vélocité que m’a confiée l’impulsion maternelle. J’ai été lancé droit sur l’objectif, pile vers mon foyer d’accueil. Je ne perçois ni la collision, ni le passage à travers les deux centimètres de blindage. Seulement la chair, l’électricité et la pensée. Je pénètre ma cible humaine. Je sens des connections s’établir autour de moi. Elles me réchauffent et m’informent. Me voici qui m’éveille au monde.

Il va m’en falloir du temps pour achever ce que je commence ici.

Une poudre noire recouvrit le pare-brise, obscurcissant les étoiles. Un instant plus tard, Charlie sentait comme un petit choc, une démangeaison au milieu du front. Il s’essuya du revers de la main et se concentra sur le pilotage.

Sous nos yeux, la vitre du cockpit est un immense écran affichant un millier d’informations diverses. Certaines sont en relief, d’autres non. Notre champ de vision est complètement bloqué, obscurci par une sorte poudre noire. Quelques voyants s’allumèrent automatiquement sur l’écran et une décharge électrique parcourut le « verre ». La poudre noire s’envola et les étoiles se rallumèrent sous nos yeux.

L’immensité de l’espace s’offre à nous. Nous sommes dans un vaisseau de combat, quelque part dans l’ombre de Jupiter. Derrière nous, les réacteurs vomissent un flot de lumière qui nous propulse à presque un dixième de la vitesse de la lumière, dans une constante accélération. Devant nous, une multitude de points lumineux s’agitent dans tous les sens, comme pris de panique. Il me faut faire un effort d’imagination pour réaliser qu’il s’agit de milliers de vaisseaux de combat, éclairés par les lueurs des propulseurs. Nous sommes au beau milieu de la plus grande bataille jamais menée par des hommes.

Nous sommes en guerre contre les extraterrestres.

Les réacteurs rugissent et nous bondissons en avant. Les yeux du pilote volent du cockpit aux écrans, des écrans au cockpit. J’interroge brièvement le jeune homme sur son identité. Il s’appelle Charlie et a dix-neuf ans. Il s’est engagé dans l’armée lors de la mobilisation générale, il y a huit mois. Sa mère est sur Terre, réquisitionnée pour ses compétences en mécanique. Son petit frère n’est pas loin, de l’autre coté de Jupiter, sur un croiseur, à attendre le retour de son grand frère. En ce moment même, il doit scruter les écrans pour essayer de repérer ce vaisseau parmi les six mille qui volent dans le secteur, s’affrontant à mort pour un petit bout d’espace nommé système solaire.

Quatre mille vaisseaux terriens contre deux mille vaisseaux extraterrestres. La bataille est en fait assez équilibrée. Depuis deux heures qu’elle dure, on n’a enregistré qu’une centaine de pertes du coté terrienne pour à peu près soixante ennemis abattus. Pourtant, les tirs fusent de partout. Balles réelles, tirs électromagnétiques, lasers… Les projectiles sont variés et bariolent le champ de bataille de toutes les couleurs du spectre, visibles ou invisibles à l’œil humain. Un arc-en-ciel semblerait bien pâle en comparaison de cette guerre.

J’échange quelques pensées avec le subconscient de mon nouveau camarade. Il est plutôt déprimé. C’est toute la Terre qui s’est engagée dans cette guerre. La vitre de notre vaisseau comporte sûrement encore un peu de poussière australienne. Certaines pièces du moteur sentent le sushi des ingénieurs japonais, les commandes respirent le bon polymère américain et le similicuir du fauteuil est reconnaissable européen à cent mètres. Et tandis que de toute part arrivait l’aide matérielle, de tous les cotés une propagande discrète et immatérielle avait assailli la population.

Charlie sait très bien qu’il avait un devoir envers sa patrie. Il doit défendre les siens en partant botter le cul de méchants envahisseurs. La Terre n’est pas coupable: elle a été attaquée, il lui faut se défendre. C’était aussi simple que ça. Et pourtant, un doute subsistait dans l’esprit du jeune homme: qu’est ce que, bon sang, il fout ici à tuer des gens ? Il se sent seul et abandonné, loin de chez lui et des siens. Il ne veut pas mourir et encore moins mourir tout seul. Compatissant, je me blottis mentalement contre lui. Mon contact le rassérène moralement. Moi non plus je ne veux mourir. Et moi aussi je suis sur ce vaisseau, à risquer ma vie pour la Terre. Charlie ne comprend pas vraiment qui je suis, s’il est en train de rêver ou de perdre la raison. Mais il comprend que je compte sur lui pour nous sortir de là. Il n’est pas question que ma mission s’arrête à peine commencée !

Charlie braque à gauche. Il a été pris en chasse par un vaisseau ennemi. Les positrons fusent derrière nous, passant à moins de dix mètres de la carlingue. Il s’en est fallu d’un cheveu. Curieux, j’observe les réactions de mon camarade. Quelle sorte de personne ai-je là ? Un scientifique s’extasierait sûrement devant une technologie si avancée qu’elle peut se targuer d’embarquer dans un vaisseau léger des émetteurs de flux de positrons quand la science terrienne n’est pas capable d’en fabriquer en laboratoire. Mais Charlie n’est pas un scientifique, alors il ne s’extasie pas. Un militaire donnerait probablement n’importe quoi pour posséder une telle arme, capable de détruire des villes comme de faire de la dentelle. Mais Charlie n’est pas un militaire, alors il ne veut pas de telles armes. Un religieux ou un pacifiste, enfin, se signerait devant les ravages que peut produire un tel monstre. Mais Charlie n’est pas non plus un religieux, pas plus qu’il n’est pacifiste. Charlie s’est contenté d’éviter le coup, et maintenant il s’en va. Je me demande ce qu’est Charlie ?

L’ennemi est toujours derrière. Charlie« écrase l’accélérateur » et fonce droit devant, zigzaguant pour être une cible plus difficile. Le vaisseau se meut avec tant de souplesse qu’il ressemble plus à une onde qu’à un corpuscule. Derrière, l’ennemi ne le lâche pas d’une semelle, rapide et agile. Il mitraille de grandes giclées de particules élémentaires, illuminant l’espace d’autant de traits de lumière. Charlie joue quelques instants à chat avec les faisceaux porteurs de mort, peu amusé par cette compétition où il risque sa vie. Qui de lui ou du méchant monsieur derrière sera le plus agile? Qui sera le plus précis? Si ça ne tenait qu’à lui, Charlie déclarerait bien un temps mort, une pause pour discuter de tout ça tranquillement. Autour d’une boisson chaude, alcoolisée si possible. Mais le méchant monsieur n’a pas l’air de vouloir. C’est normal d’ailleurs: c’est un vilain extraterrestre. Lui et les siens nous ont attaqués il y a huit mois, par une belle journée d’octobre, en bombardant Sydney… Mais Charlie est bien loin de Sydney maintenant. Il se trouve à un endroit où règne une nuit perpétuelle et où aucun homme ne peut survivre seul. Dans l’ombre de Jupiter, il est en train de risquer sa seule et unique vie. Qu’il laisse un seul de ces rayons le frôler d’un peu trop près et les champs qui s’en dégagent le condamneront à une mort rapide. Qu’il en laisse un le toucher et il deviendra plus impressionnant que le plus beau des plus beaux feux d’artifices réalisés pour tous les empereurs de Chine.

Mais pas question de se laisser faire. Il n’est plus seul : je suis avec lui maintenant. Sortant de sa torpeur, Charlie effectue une manœuvre brusque, tournant au maximum des possibilités. L’autre le suit sans perdre de terrain, adoptant exactement le même virage que lui. Charlie déclenche alors les rétropropulseurs au maximum. L’ennemi ne met pas plus de deux secondes à réagir, mais c’est déjà largement trop. Il a dépassé sa cible, qui accélère maintenant pour le suivre. Charlie est passé de proie à chasseur. Désormais, c’est lui qui canarde l’autre. Certes, il n’a pas d’émetteur de positrons. Mais il a quand même deux magnifiques lasers, qu’il manie avec dextérité. Il est un peu ridicule d’opposer des lasers à des positrons, cela revient à peu près à comparer une épingle à un canon… Mais Charlie a réussi à s’approcher très près de sa cible, à moins de trois cent mètres. A cette distance, avec la visée assistée par ordinateur, il ne peut pas manquer sa cible. Lentement, il ajuste le curseur.

Il sait que lorsqu’il aura fait exploser cet ennemi, il en viendra un autre, et puis encore un autre. Et il faudra tuer, encore. Tuer pour préserver la Terre, pour sauvegarder l’humanité. Mais il n’a pas le choix. C’est tuer où se faire tuer, pas de troisième possibilité. C’est tout du moins ce que disait la propagande. Mais je suis là à présent, avec lui, et moi j’ai une opinion radicalement différente. Tandis qu’il s’apprête à tirer, je pousse Charlie à attendre. Il ressent cela comme une intuition, un genre de pressentiment. Il reste là une vingtaine de secondes, le viseur verrouillé sur la cible. Une pression de son doigt et l’ennemi partira en fumée. Mais il n’a pas envie de tuer. Pas même un extraterrestre. Et pas même un ennemi. Alors Charlie se laisse bercer par mes conseils et nous laissons notre proie tranquillement s’échapper.

Ce n’est qu’une vingtaine de seconde plus tard que la radio se mit enfin à hurler le message que j’attendais. Un message prioritaire, qui supplante tous les autres :

– Armistice ! Je répète, l’armistice est déclaré ! Retour à la base pour toutes les unités ! Je répète, l’armistice est déclaré !

C’est la fin de la guerre.

Terres ascendantes, chapitre 2 (1600mots)

2. Compte rendu ; par la princesse

Mon cœur est lourd et mes mains fébriles, je ne suis probablement pas en état d’écrire où de penser correctement. Mais je sais que si je ne les consigne pas immédiatement, alors qu’ils sont encore frais à mon esprit, les événements de ce soir reviendront sans cesse me hanter. Le roi mon père est mort, les restes de son corps maculent le tapis royal. Mais étrangement ce n’est pas son décès qui m’émeut le plus. Un peu plus tôt dans la soirée, le fils de l’étoile est mort de sa main. Mon cœur s’agite encore davantage de penser à cet homme… Il était superbe.

Lorsque mon père apprit que son armée revenait de campagne, il s’empressa de les rejoindre pour être informés de leurs pertes. De leur victoire ou de leur défaite. C’était la quatrième expédition qu’il envoyait contre les compagnons du fils de l’étoile. Les soldats des expéditions précédentes avaient décrit une cité immense, cernée de murailles hautes comme trois hommes. Lorsqu’ils s’en étaient approchés, une pluie de feu s’était abattue sur eux et un cercle de flammes avait entouré la ville. Trois tentatives de prendre la cité s’étant soldées par autant d’échec, mon père était très inquiet du résultat de la quatrième, dont dépendait sa réputation vis-à-vis de ses rivaux. Plusieurs fois pendant ces dernières semaines, il s’était réveillé au beau milieu de la nuit en hurlant, terrorisé par des cauchemars dont il n’avait rien voulu dire. Cette fois-ci cependant, ses craintes étaient infondées. Ses troupes revenaient victorieuses. Père avait envoyé toutes ses forces là-bas, craignant la puissance de l’ennemi, mais en fait les pertes avaient été plutôt faibles.

Son commandant révéla qu’une fois la porte principale enfoncée, ils n’avaient rencontrés que peu de résistance. Puis il fit deux cadeaux à mon père : le premier : le fils de l’étoile et sa famille, au grand complet, enchaînés et bâillonnés. Le second, une statuette d’ivoire blanc, finement ouvragée et représentant un animal exotique marchant à quatre patte et doté d’une épaisse crinière. Celle-ci était peinte en rouge feu, ce qui donnait à l’animal une allure royale. Père dit que les brigands avaient du voler ce bijou, mais à mon avis ils l’avaient plutôt fabriqués eux-mêmes. Le commandant me le confirma un peu plus tard en m’offrant une autre statuette, un animal marin ressemblant à un poisson, mais avec un long bec à l’avant. Il est représenté sautant hors de l’eau et dégage une réelle expression de joie. Je n’avais jamais entendu parler de telles créatures auparavant…La cité qu’ils ont détruite était réputée pour bien des choses, et ce n’est pas le premier bel objet que j’en reçois. Mon père savait l’influence de cet endroit et c’est pour cela qu’il l’a attaquée. Les richesses importe peu, c’est le prestige d’avoir détruit un si bel endroit qu’il voulait. Tous les seigneurs des environs s’inclineraient devant lui à présent, s’il n’était pas mort.

Je n’ai vu de mes propres yeux le fils de l’étoile qu’un peu plus tard dans la soirée. Il était très vieux, peut-être même avait-il dépassé la cinquantaine. Et pourtant il était incroyablement beau. Ses traits dégageaient une telle noblesse… Il était vêtu simplement, mais en vérité c’était parce qu’il n’attachait pas d’importance à ces choses. Il fut amené devant mon père, la tête haute bien que les yeux pleins de larmes retenues. Ses yeux, qui en scintillaient d’une façon que je n’avais jamais observée chez un homme, pleine d’émotion mais aussi de dignité. Un garde le frappa dans les jambes pour le forcer à s’agenouiller comme le veux la tradition. Sa famille ne bougeant pas pour montrer du respect à mon père, les gardes durent également les frapper, même la petite fille de cinq ans. Mais ils ne parvinrent pas à faire asseoir celle-ci car elle se relevait sans cesse, petit bout de chou qui n’avait pas conscience du sang qui commençait à couler de ses jambes à force de coups. Elle refusait catégoriquement de se soumettre, se relevant encore et toujours. Un garde finit par l’assommer pour avoir la paix.

Jouissant de sa victoire, mon père a commencé à interroger le fils de l’étoile. Pour toute réponse, celui-ci lui adressa un regard incroyable. Il était là, devant nous, de nos richesses et de nos hommes, ses pieds et ses mains étaient liées, sa peau et ses vêtements souillés par des jours et des jours de marche. Et pourtant l’essence de son regard n’était pas ni la soumission, ni la rébellion, mais bien une incompréhensible compassion. Gêné que cet homme lui résiste devant sa cour, mon père commença à le frapper. Les mains liées, le fils de l’étoile ne tarda pas à tomber par terre et, bien trop vieux, il fut incapable de se relever seul. Mon père le fit redresser par un garde et recommença à l’interroger. Après un soupir l’homme finit par lui répondre.

Est-il vrai que tu es le fils d’une étoile ? Avait demandé mon père.

Oui… Mais ce n’était rien de plus qu’une créature de chair et de sang, comme chacun d’entre nous. Il disposait simplement de plus de bonté que d’autres.

Insolent ! Tu ne comprends pas combien ce que tu as fait est pas bien !

Peut-être. Mais de mon coté, je ne pense pas que vous ayez la moindre idée de ce que vous venez de détruire.

Sale chien ! Tu adorais ça vivre dans le péché hein ? Il suffit de voir comment tu as été incapable de défendre les tiens : un faible. Regarde ta femme, elle va passer la nuit avec moi ce soir.

La force ne vous donnera pas la légitimité dont vous rêvez. Cette nuit notamment, prenez garde à ce qu’aucun de vos commandants ne profite de votre plaisir pour vous exécuter. Peu l’en blâmeraient.

Fou de rage, mon père arracha l’arme d’un des gardes à cotés de lui et lança la lame vers le cou du fils de l’étoile. Mais il n’avait pas frappé assez fort et la gorge ne fut tranchée qu’à demi. Il dû s’y reprendre à nouveau pour finir de décapiter le fils de l’étoile.

Les enfants du fils de l’étoile étaient pétrifiés. Sa femme éclata en sanglot et, brisée, s’effondra sur le sol. Un de ses fils la prit dans ses bras pour la consoler, lui-même fixant mon père avec défiance. Celui-ci annonça que toute la famille travaillerait comme esclaves au palais et, s’approchant de la plus jolie des filles, déclara qu’elle entrerai dans son harem personnel.

C’est à ce moment que la scène fut interrompue. Une jeune homme d’une vingtaine d’année, au regard étrange et profond, vêtu de frusques déchirées mais marchant très droit, entra dans la pièce. Son corps était si frêle et décharné qu’on n’aurait pas été étonné de le voir s’effondrer sur le champ. Mais nous fîmes une grosse erreur en le jugeant sur son apparence physique : ce n’était qu’une façade. Les gardes tentèrent de l’empêcher d’avancer, mais il les repoussa avec tant de force qu’ils allèrent s’écraser contre les murs. L’un d’entre eux percuta une colonne, qui se brisa sous le choc. Les autres gardes hésitèrent devant ce petit bout d’homme. Leur fidélité à mon père était suffisante pour qu’ils s’en prennent à un pauvre hère sans défense mais celui-ci semblait dangereux. Mieux valait laisser sa majesté s’en occuper…

L’enfant posa le regard sur le corps du fils de l’étoile. Son père manifestement, car il y avait une ressemblance entre leurs traits. Mais ses yeux semblaient sauvages, pleins de rage et de violence à peine contenue, tout à l’opposé de son père. Le visage déformé par un rictus de haine il semblait plus animal qu’humain. Pour cette raison d’ailleurs, tout le monde fut très étonné de l’entendre s’exprimer haut et clair, d’un accent raffiné. Il dit quelque chose de la sorte :

Je n’avais pas à me mêler de la défense mais j’estime qu’il me reste un devoir de vengeance.

Et à partir de ce moment ce fut la débâcle. Le jeune homme bondit sur mon père… un saut de plusieurs mètres de long ! Il commença par lui rompre le cou en le faisant effectuer un demi tour. Mon père eut à peine le temps d’avoir peur, et ne souffrit probablement pas. Il était déjà mort à cet instant, mais le jeune homme n’en resta pas là pour autant. Il continua en lui fracassant le crâne contre le sol, avant de s’acharner sur le cadavre comme un charognard doté d’une force prodigieuse. Il était comme un animal : violent mais efficace, sans aucune cruauté mais sans aucune gène non plus. Je l’ai vu porter à ses lèvres la chair de mon père. Je ne regarda pas la suite, mais j’ai revu le corps de mon père depuis. Ce n’est pas qu’un tas sanguinolent de chairs écrasées, encore plus répugnantes que ne le fut mon père de son vivant. Je ne le regretterais pas. Le général Jodo, qui revient donc de campagne contre les gens du fils de l’étoile, m’a demandé ce matin de l’épouser, pour qu’il puisse monter sur le trône en lieu et place de mon père… Je ne sais pas encore ce que je vais lui répondre. Je voudrais surtout rendre les événements de ce soir plus clairs dans ma tête…La famille du fils de l’étoile est repartie avec l’enfant-démon et personne ne les a suivis. Je ne devrai peut-être pas penser ainsi, mais je reste convaincue que si un homme de valeur est mort ce soir, c’est bien le fils de l’étoile, quel qu’il ait été.

(Lien vers le chapitre 3)

Terres Ascendantes, Chapitre 1 (625 mots)

1. Compte-rendu anonyme

Compte-rendu découvert gravé dans l’argile cuit, dans les ruine d’un temple incendié.

Nous sommes le quinzième jour du sixième mois de la quatorzième année de règne de notre seigneur Banodon Troisième du nom. Aujourd’hui encore, grâce à sa grandeur, notre monde est devenu un peu plus sûr. La glorieuse armée de notre monarque a réduit à néant le campement d’une bande de gueux qui dévalisait les environs, appauvrissant le royaume et répandant leurs mœurs infâmes. Fort de milliers de guerriers, ces sauvages ont tentés de résister, mais ils furent balayés d’un revers de main par sa toute-puissance. Les immenses richesses que ces brigands avaient accumulées à force de pillages reviennent à présent à leur propriétaire légitime, le roi des rois, notre seigneur Banodon.

Le chef de ces vandales se tient désormais devant sa majesté, agenouillé en signe de respect. Encadré par les nobles combattants de la garde personnelle de notre souverain, le barbare accepte de prononcer les serments de soumissions, conscient de la supériorité de notre seigneur Banodon. A ses côtés sa famille se prosterne avec ferveur. Mais la magnanimité de sa Grandeur a ses limites, il ne peut permettre à de tels brigands de survivre sur ses terres. Avec son élégance naturelle, il s’avance vers le chef des vandales.

Celui-ci est un vieil homme au regard pervers et aux doigts griffus. Sa peau est couverte de pustules. Il porte quelques étoffes qui lui confèrent une certaine élégance, mais rien qui puissent rivaliser avec le raffinement de sa majesté. Il court d’étranges rumeurs au sujet de cet homme. Certains prétendent qu’il est le fils d’une étoile, tombée il y a bien longtemps sur Terre. Mais notre seigneur n’est guère effrayé par cet enfant céleste et il le questionne sans crainte :

Est-il vrai que tu es le fils d’une étoile ?

Oui monseigneur. Mais d’une étoile déchue qui ne vous égalait en rien.

Allons, allons. Et comprends-tu la gravité de tes actes ?

Oui monseigneur, et je regrette.

C’est bien. Je t’accorde mon pardon. Désires-tu retourner vivre dans le péché maintenant ?

Non monseigneur, mon seul désir désormais est de mourir de votre main.

Qu’il en soit ainsi.

Soulevant avec facilité la lourde lame que lui tendait son garde du corps, sa majesté en apposa délicatement le tranchant contre le cou du misérable et, d’un coup vif, le libéra de son existence malsaine.

Pendant que le corps est évacué, il est proclamé que le reste de la famille a le droit de racheter ses fautes en servant dans la maisonnée royale. La plus digne des filles aura l’honneur d’entrer au harem de sa magnificence. Manquant totalement de retenue, la femme éclate en sanglot devant la cour et se vautre sur le sol en poussant des gémissements.

Un jeune homme vient d’entrer. Il semble un enfant tant il est petit, mais sa carrure est celle d’un adulte. A sa vue la femme cesse de pleurer et veut se précipiter pour l’enlacer, mais les gardes la retiennent. Impudent, l’enfant foule le tapis rouge menant à sa majesté. Devant tant d’audace, les gardes se…

Fin du compte-rendu.

Lien vers le Chapitre 2

Gouv’Audace

Atelier collaboratif d’écriture du 23 juin 2018, avec les idées de mes deux compagnons de tables, Myriam et Aurore. Écrit en 1 heure tout compris, non-retravaillé depuis…

23 juin 2050, je me réveille et j’apprends que les citoyens ont pris le pouvoir. J’ai mis un peu de temps à comprendre. Ma nièce de six ans déboule en criant dans la chambre : “on a gagné on a gagné !”. Encore ensommeillé, je ne pense pourtant pas qu’il y avait match hier soir. Elle repart aussi vite qu’elle était venue.

D’un signe de la main, j’allume mon écran mural et l’interface en relief apparaît. J’ai reçu 2733 messages durant la nuit. L’un est mis en avant, il provient de la Ville de Paris et est intitulé “Notice d’expulsion rooftop présidentiel.” Mon sang ne fait qu’un tour. Sautant de mon lit, je découvre qu’une foule festive est amassée au pied de mon Arc de triomphe, juste en dessous de moi.

— Assistant, appelle M. Henri immédiatement !

Le visage de mon conseiller apparaît sur le mur, l’air aussi inquiet que moi.

— Henri, qu’est-ce que tout ce tumulte ?

— M. le président, les Uptoyens fêtent l’inauguration de l’application Gouv’Audace.

— Hein ? C’est le truc voté à l’assemblée le mois dernier ? Pourquoi ça ressort maintenant ?

Il lève les yeux au ciel.

— Il y avait un mois de préparation, pour que les Up’toyens s’emparent de leurs sujets, et hier soir était le premier vote massif.

— Bon, peu importe ces gadgets technologiques. J’ai reçu un message d’expulsion, qu’est-ce que c’est que cette histoire.

— C’était justement un des sujets du vote d’hier. La majorité a décidé que votre rooftop au sommet de l’Arc de triomphe redeviendrait public, un point de vue sur les jardins de la place…

— Quoi ? Pour qui ils se prennent ? Ils n’ont pas le droit ! C’est quoi ce délire de fake news ? Je croyais qu’au moins depuis l’effondrement de Google on en avait fini avec ces balivernes !

Tout en parlant, j’ouvre mon placard, qui a sélectionné d’avance un costume pour la journée, un tissu irisé dont les bras-écrans me permettent d’emporter ma visio-conférence dans le salon.

Ma femme est sur le canapé, à contempler le lever de soleil, un verre de champagne à la main. Oubliant Henri affiché sur ma manche, je comprends à son sourire qu’elle en sait déjà plus que moi.

— Bonjour mon chéri. J’ai préparé mes affaires pour le déménagement.

— Je ne vais pas me laisser faire ! Je suis le président de la 5e République…

— Je savais bien que tu n’avais rien compris à cette loi… tu n’as plus aucun pouvoir mon chéri. On est passé à une société participative. Les citoyens sont tirés au sort pour voter sur les enjeux de sociétés. Ils ont eu un mois pour s’emparer de la première volée de sujets, et à présent ils ont voté pour le droit des animaux, l’ouverture des frontières, la mise en commun des forêts… et même la récupération de l’Arc de triomphe !

Elle se lève avec un sourire narquois et finit son verre.

— De toute façon, j’ai toujours détesté nos appartements présidentiels. On va revenir à une vie plus simple. J’ai réservé une nouvelle suite.

Ma nièce la rejoint à cet instant, une veste sur le dos et ses chaussures aux pieds. Je suis affolé.

— Une suite ? Mais où ?

— Tu te rappelles, tu voulais ce rooftop au sommet de l’Arc de triomphe parce tu adorais les cabanes dans les arbres quand tu étais petit ? Maintenant, nous allons pouvoir vivre nos rêves. J’ai réservé une cabane dans les arbres, dans la nouvelle Fontainebleau.

Elle jette son manteau sur ses épaules et, tandis qu’elle se dirige vers la porte, je peux lire dans son dos “I REALLY DON’T CARE, DO U ?”