Avec les amis des Ima, le 10 juillet. Trois contraintes à respecter :
• Personnage animal, non-humain
• Dans un rayon de soleil
• Début malheureux, fin heureuse
Durée d’écriture : 1h30.
Ensembles pour toujours, par Fabien
Un presque-vert se tient dans l’arbre, comtemple les corps inertes de ses camarades. Morts dans leurs nids au creux des branches, ou tombés dix empans plus bas, sur le sol terreux où des charognards remuent déjà leurs caracasses.
Le clinquement des ferrailles de légionnaires est en train de disparaître au loin.
Ils nous ont tous violés. L’empire encourage l’accouplement avec les peuples indigènes, consentant ou pas. Cela renforce le moral des troupes. Le viol est une arme qui frappe encore et encore.
Ils repartent enceint de nos petits. Ils nous ont forcés à leur donné leur semence, sans nous laisser la leur comme le veut la tradition. Echange à sens unique. Ils donneront naissance à de nouveaux soldats pour grossir les rangs impériaux.
Ils volent les forces de chaque peuple pour en doter leur armée.
Mais ils ont commis une erreur. Ils ont crus que la force du peuple vert réside dans son sang. Ils n’ont rien compris.
Le presque-vert, dernier survivant de sa tribu, n’est qu’un adolescent. Mais il connaît la vérité.
Quand le dernier légionnaire est définitivement parti, le presque-vert sort de sa cachette et descend le long de l’arbre. L’esprit bloqué sur son objectif, il ignore la dévastation autour de lui.
Dans le tronc du plus gros des arbres-sources, il pénètre dans le temple du dieu soleil. L’entrée est cachée, mais les soldats l’ont trouvée. Le sol est jonché des corps sans vie des menbres de l’ordre sacré. La statue du dieu vert est renversée, ses rayons de soleil brisés contre le bois dur.
Mais le passage secret n’est visible nul part. Le presque-vert sait qu’il existe, caché de tous, accessible seulement à l’aveugle, guidé par les prêtres lors de l’initiation, lors de la cérémonie de maturation. Il sait aussi qu’il n’y a rien de plus important au monde actuellement. L’empire les a attaqué pour leur secret, et ce secret est ici. Il passera autant de temps que nécessaire pour le trouver.
Un bruit sourd retentit, le presque-vert fait volte-face juste à temps pour voir un prêtre s’effondrer devant le vaste passage qu’il vient d’ouvrir. Il se précipite au chevet du prêtre survivant. Hélas ses blessures sont trop graves, sa coquille est morcellée. Il doit beaucoup souffrir. Mais dans un murmure, il montre qu’il a très bien compris l’intention du presque-vert.
– Prends-le. Protège-le.
Avec cette bénédiction, le presque-vert ne sent que davantage de courage en lui. Il s’avance vers sa mission, à travers les méandres noueux de l’arbre millénaire. Le passage descend, s’enfonce sur des dizaines et des dizaines de mêtres, les parois glissantes d’humidité sont lisses et dangereuses, la chaleur augmente peu à peu avec la profondeur et la peur s’empare du petit vert.
Devant l’autel sacré, il pleure. Voici ce pour quoi tous les siens sont morts, la richesse de son peuple et sa malédiction. Le Vert. Il s’immerge dans l’autel. Dans ce bassin, les eaux opaques se collent immédiatement à lui, se dépose sur chaque recoin de son être. Ils fusionnent.
Le vert vivra pour toujours à la surface de son corps. Symbiose héritée de leurs ancêtres, culture bactérienne et culture animale en parfaite harmonie. Quand il émerge du bassin, le presque-vert est devenu un Vert-Vivant.
Le dernier des Vert-Vivant.
Déjà la mousse le nourrit, lui redonne des forces. Et fait naître en lui un nouvel appétit. Il sait ce qu’il lui doit.
La remontée est plus facile que la descente. Il ne s’arrête pas au niveau du temple et du passage secret, il continue à grimper. Plus haut, toujours plus haut jusqu’au sommet de l’arbre. Il repère un trou dans la canopée et passe dans un rayon de soleil qui en tombe. Au-dessus, tout n’est que lumière.
Le dernier des Vert-Vivant s’étire et laisse son nouveau pouvoir absorber la radiation. La mousse frémit, se gorge d’énergie.
L’empire croyait pouvoir voler leur secret. La coopération n’existe pas pour eux, il n’y a que la conquête. Ils voulaient devenir le peuple qui ne mange pas, le peuple qui se nourrit de soleil. Ils n’ont pas imaginé. La richesse du peuple vert est dans la symbiose. On ne prend pas le Vert, on s’y abandonne.
Le dernier des Vert-Vivant laisse la mousse grandir sur lui, sentant grandir en lui toutes les forces dont il aura besoin pour protéger le Vert. Il n’aura besoin de rien d’autre.