Répétition à tire d’aile (1200 mots), nouvelle du match 14

Match d’écriture des amis des IMA, session 14 ! Trois contraintes :

Lieux/événement : Apocalypse baby !

Thème : Le monde menacé par une phrase d’un perroquet

Objet/personnages : Un.e idol

Durée d’écriture : 1h30

Répétition à tire d’aile, par Fabien

On frappe à la porte. Lucia Janmin, agent en chef de la cellule diplomatique secrète, se lève de table et va ouvrir. Elle découvre Dan Marceau, son jeune collègue. Il a l’air un peu ridicule, habillé en civil, dépenaillé dans son T-shirt du groupe de Hard Rock Metal « Hardcore Arc-en-ciel ».

– Dan, que faites-vous là ? Il est onze heures du soir.

– Je suis désolé Lucia, je n’arriverai pas à vous joindre et cela ne pouvait pas attendre.

– J’étais en famille… repos, vous savez… vous n’avez pas pu joindre les collègues en veille ce soir ?

– Ils pourraient être dans le coup… je ne peux plus faire confiance à personne. J’ai besoin de vous.

Lucia fronce les sourcils. Elle sait que Dan Marceau ne la dérangerais pas pour rien.

– Entrez, nous parlerons dans mon bureau.

Elle explique en quelques mots à sa famille que du travail important l’appelle et monte avec Dan Marceau. Le petit bureau qu’elle s’est bricolé à la maison est loin d’être totalement sécurisé, juste insonorisé à la main pour pouvoir écouter de la musique. Cela suffira pour l’instant.

– Vous vous rappelez la visite du dictateur HarBan B., ce matin ? lança Dan.

– Pour le traité de désarmement nucléaire, oui. Cela s’est bien passé.

– Eh bien justement, j’ai mes doutes.

Lucia se penche en avant, inquiète.

– Le traité qui repose sur une certaine confiance. Ils désarment les missiles longues portées pointées sur nos villes, nous rapatrions nos espions profondément infiltrés dans leur société. Quelles sont vos inquiétudes ? Ils nous ont donné des garanties tout de même, et tout cela semble solide. C’est un grand pas en avant qu’un des derniers bastions de l’ex-URSS accepte de coopérer.

Dan Marceau hocha la tête, mais il avait l’air horriblement stressé.

– Eh bien, j’ai une information particulière. Mais la source est… quelque peut inattendue. Il s’agit de mon perroquet, Gertrude.

Lucia Janmin écarquille les yeux, mais ne dit rien. Elle et Dan Marceau se font confiance. Sur le mur de son bureau, Lucia un poster du même groupe de rock que celui sur le t-shirt de Dan Marceau. La silhouette du chanteur Karm, véritable « idol » de leur adolescence, y explose une guitare sur le sol. Leur passion pour la musique est l’une des choses qui lient les deux agents.

– J’avais amené Gertrude au travail à cause d’un souci d’emploi du temps, reprit Dan Marceau. Ma femme devait… enfin bref, je l’ai amenée. Mais j’avais tout prévu : je l’ai laissée dans sa cage, sous sa bâche respirante, dans l’une des salles isolées phoniquement. La salle 6b. Gertrude est très calme en voyage, j’étais certain qu’elle ne dérangerait personne. La salle ne devait pas être utilisée de la journée !

– Je crains le pire, soupire Lucia. Qu’a fait Gerturde ?

– Rien ! J’ai eu une petite frayeur en fin de matinée, parce que j’ai appris que Harban B. et son conseiller avaient demandé à s’isoler entre deux réunions, et qu’on les avait envoyés en salle 6b ! Mais quand j’y suis retourné, Gertrude se trouvait toujours sous sa bâche et tout allait bien. J’ai supposé qu’ils ne l’avaient pas vu et qu’elle avait été discrète.

Je l’ai ramenée chez moi le soir, et tout semblait parfait.

Lucia se tend. Elle sent venir la révélation qui lui ferait passer une nuit blanche.

– Sauf que quand j’étais chez moi, je me suis posé, avec un peu de musique… et c’est là qu’elle a commencé à parler. Je… j’ai enregistré pour vous faire entendre.

À l’aide de son portable, il joue un fichier de dictaphone :

« Il est beau cocoooo » fit la voix du perroquet.

– Non, pas ça, attendez. C’est après…

« Cocomuiiismes ! Comuniiismes ! Vainnnnncraaa ! Il est beau coco ! Surprise, coco vaincraaaa ! Atomiséééééés. »

Dan coupe la lecture. Lucia hésite entre rire et pleurer. Un hoquet nerveux la saisit.

– Vous êtes serieux Dan ? — Hic ! — Vous croyez vraiment qu’elle répète ce qu’elle a ententdu Harlan B. dire ? Et les microphones dans la salle ? Ils doivent — hic ! — tourner 24 h/24, qu’ont-ils enregistré ?

– Rien. C’est le pire. C’est là que j’ai paniqué. J’ai demandé à l’équipe technique et… ils m’ont dit que les microphones n’avaient capté. Silence total dans la pièce toute la matinée.

– Mais Harlan a bien dû dire quelque chose à son conseiller ! Si les micro n’ont rien…

– Ils sont en panne. Ou pire…

Il la regarde. Il veut qu’elle finisse sa phrase, pour s’assurer qu’il ne devient pas fou.

– Ou pire, souffle-t-elle, ils ont été trafiqués. Ce qui veut dire que Harlan B. a un ou plusieurs agents infiltrés a des points stratégiques chez nous.

– Si nous retirons nos informateurs, mais qu’ils font seulement sembler de désarmer leurs missiles, ils pourraient…

Ils restent silencieux plusieurs minutes. Lucia réfléchissent à toute allure. L’enregistrement d’un perroquet est une preuve bien faible, que ne convaincra pas qui que ce soit en dehors de leurs amis proches. Et pire : s’ils ont été infiltrés, à qui peuvent-ils se fier ? Il faut s’adresser haut dans la chaine de commandement…

Comme un coup de fouet, la peur d’être déjà eux-mêmes sur écoute l’électrise. Elle bondit de sa chaise et fonce sur son ensemble haut-parleur. Elle monte le volume et, depuis son portable en bluethooth, elle relance la dernière chanson qu’elle avait écoutée : « Démencia », de Hardcore Arc-en-ciel. La voix de Karm, leur chanteur, s’éleve au milieu des accords de guitare électrique. « Un jour, un jour… ils deviendront démeeennntts… »

La musique est très forte. Mais Dan et Lucia ne l’écoute pas : à cet instant ce n’est que du bruit destiné à noyer leur conversation aux oreilles d’un éventuel espion.

Ils discutent à l’oreille l’un de l’autre une demi-heure durant. Ils établissent des processus, des personnes clefs à contacter pour éviter les fuites, et une tactique pour maintenir des agents infiltrés chez Harlan. Ils risquent gros. S’ils sont découverts trop tôt, ils causeront un incident diplomatique grave. Et dans le pire des cas, une guerre nucléaire n’est pas impossible…

Quand ils se sentent plus ou moins prêts, ils décident de retourner immédiatement au bureau, même si c’est le milieu de la nuit. Ils doivent prendre des précautions. Ils partent en furie. L’album dr rock en est à ses dernières minutes, dans un morceau très calme, et ils sont si concentrés qu’ils oublient de l’éteindre.

Tandis qu’ils s’éloignent en voiture, l’album de Hardcore Arc-en-ciel reprend donc depuis le début, avec la chanson « Démentia ». Dans la petite salle désormais vide, la voix du chanteur résonne à nouveau :

« Un jour, un jour, un jour… ils deviendront démeeennntts…

Fous de rage, avides de sang, pourri par l’argent,

Les capitalistes voudront tous nous tueeeeer

nous les stupides masses lobotomisééééées

la propagande nous criera communiiiisstes

communiiiisstes communiiiisstes !

Les bombes pleuveront et des larmes tu pleurera

je te méprise et la mort vaincraaaaaa

gros effet de surprise, nous aurons tous été tués,

nous les moutons atomisééééééééééééés. »

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